Cervantes avant Don Quichotte

C’est à la fois trop lisse et pas assez kitch pour retenir l’attention...

Bon, je précise tout de suite, je n'ai jamais lu Don Quichotte (même si c'est évidemment prévu), et surtout, je ne connaissais strictement rien de la vie de Miguel de Cervantes avant de voir ce film donc je ne saurais pas dire à quel point il est fidèle à la réalité.

Mais c'est là l'un de mes premiers problèmes en fin de compte : je m'attendais à un film qui m'éclaire sur la vie et l'oeuvre de Cervantes (même si, comme l'indique le titre, c'est "avant Don Quichotte"), même si ça devait être romancé ça ne m'aurait pas dérangée tant que ça me permettait de découvrir son univers et sa personnalité dans les grandes lignes pour ensuite me donner envie de me renseigner davantage de mon côté.
Mais là, j'ai pour ainsi dire oublié que je regardais un biopic tellement tout me paraissait, plus que simplement romancé, fictif. Je dis bien tout. Et je ne pense pas que tout soit inventé, au contraire, mais c'est dans la manière de présenter les choses, la narration, l'idéalisation à outrance de Cervantes... Je n'y ai pas cru. Et en plus de ça, pour ce qui est de la découverte de l'univers littéraire, je ne dis pas qu'on n'a rien mais ça ne m'a pas beaucoup avancée. (Disons qu'ils ont voulu faire un parallèle avec Le Captif, écrit par Cevantes lui-même, et l'idée était bonne mais jamais explorée en profondeur, on ne sait pas vraiment comment tout ça lui est venu, au-delà de simplement nous dire qu'il avait une imagination hors-normes façon Princesse Sara. Et puis, même sans avoir lu Don Quichotte, évidemment j'en connais quand même les grandes lignes, notamment le côté très ironique, presque satirique mais aussi tragique du personnage, or là, on ne ressent rien d'"ironique", "satirique" ou "tragique" dans la personnalité de ce Cervantes, jamais on ne pourrait penser qu'il aurait pu être à l'origine d'une telle œuvre.)

Parce qu'en fait, le film n'est rien de plus qu'une énième mise en avant d'un énième "héros parfait" qui se bat face à l'adversité, que tout le monde aime, les seuls qui ne l'aiment pas sont des méchants pas beaux, et patati, et patata, et c'est naïf... J'ai parfois eu l'impression d'être devant un Disney médiocre.
Et une grosse part de ce problème repose réellement sur l'écriture des personnages, c'est très simple, je ne me suis attachée à personne.
Cervantes lui-même (le personnage du film, pas la figure réelle que je ne connais finalement pas) est dépeint comme un personnage vraiment trop parfait, qu'on ne peut qu'aimer mais finalement c'est tellement trop que je ne m'attache pas (vraiment le cliché du héros tout beau tout gentil tout noble qui est trop intelligent woaaaaw), d'autant plus qu'il agit parfois de manière beaucoup plus discutable sans pour autant que la narration ne daigne présenter ça comme réellement discutable. Non, il a toujours raison, c'est le meilleur. [spoiler] Son attachement (et plus) pour le Pacha qui tue absolument tout et tout le monde y compris les compagnons de Cervantes ? Apparemment c'est meuuuugnon. C'te blague. [/spoiler]
Le Pacha ? On essaie de le faire passer pour un antagoniste incompris qui en fait a un cœur et des traumatismes derrière sa cruauté le pov' bouchon... Mais qu'est-ce-que je m'en fiche de son p'tit cœur sensible quand il torture et tue des innocents ?
Quant aux autres... Dès qu'on a un semblant d'ambiguïté, c'est jeté aux oubliettes, dommage quand on voit la complexité des thématiques abordées. Sauf qu'en plus de ça, un même acte peut être vu comme lâche ou raisonnable selon si le personnage est censé être un méchant ou un gentil [spoiler] notamment la question du reniement, un coup c'est mal (Dorador) un coup ça passe (le barbier)... Tout ça, évidemment, sans jamais mettre en avant la complexité de la situation et le fait que la plupart des personnes l'ayant fait l'ont fait purement par survie, ce qui est impossible à juger [/spoiler].

Et les thématiques abordées sont nombreuses, et importantes historiquement. L'histoire de toutes ces personnes prisonnières, celles qui ont été contraintes de renier leur identité pour survivre... Même l'homosexualité est abordée, et de façon très appuyée d'ailleurs, mais avec si peu de subtilité que je n'y ai vu aucune sincérité dans la démarche.
On en oublie que tout ce qui est montré est vraiment arrivé dans l'Histoire, qu'il y a eu de vraies victimes.

Pour ce qui est du récit en lui-même, en soit si on le prend comme une fiction divertissante c'est plutôt pas mal, ça divertit sans être transcendant, mais il y a beaucoup de paresse d'écriture dans l'évolution du scénario, beaucoup de points survolés alors qu'ils auraient dû être essentiels, le récit est censé s'étendre sur 5 ans et on ne s'en rend même pas compte (le fait que les personnages ne vieillissent pas du tout en 5 ans y est sûrement pour beaucoup) !

Quant aux acteurs, ils ne sont pas transcendants, pas mauvais, juste... passables. Ils font ce qui leur a été demandé, parfois avec certaines maladresses (certains cabotinent un peu), mais rien de notable, c'est vraiment juste "correct". Julio Peña s'en sort plutôt bien dans le rôle principal, je pense que c'est surtout l'écriture de son personnage qui le bride un peu.

Pour finir, les décors sont très beaux et c'est bien filmé, ça, je ne peux pas le nier. Il y a aussi, de manière générale, des passages qui ont une très bonne réalisation, on sent qu'il y a de l'ambition dans ce projet, c'est juste que le fond ne suit pas.

Donc ce n'est pas un mauvais film, mais sûrement très oubliable et surtout, un film qui malheureusement ne nous dit pas grand-chose de la vraie figure historique, c'est très compliqué de démêler le vrai du faux.

(Bon avec un petit peu de recul, je me dis que le film n'est pas forcément si mauvais que ça, il est sympathique en tant que film d'aventure, reste intéressant sur le plan historique, et on sent qu'Amenàbar a voulu s'éloigner du biopic classique pour faire quelque chose de plus dynamique ce qui est tout à son honneur, mais il y a vraiment beaucoup de lacunes qui rendent le film frustrant et, à vouloir trop s'éloigner des codes du biopic, il est tombé dans d'autres clichés. Et vraiment, si on n'a pas une admiration sans failles pour Cervantes et qu'on cherche simplement à en apprendre plus sur lui, l'idéalisation excessive peut être agaçante. Mais on ne passe pas un mauvais moment devant, et malgré ce que j'ai dit, il peut donner envie de se renseigner davantage sur ce qui a été montré.)

​